Charles Tournier
(1826-1898)

 

Grâce à la courtoisie de ma cousine Jeanine Tournier, j'ai obtenu copie d'une partie d'un ouvrage de Monsieur Tibor Pataki concernant Cressenssac dans la Vicomté de Turenne. L'auteur y traite de la biographie de divers personnages.
Par la suite, en visite à Sarlat, j'ai pu me procurer une réédition récente du bel ouvrage de J.-J. Escande:


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Je n'en ai retenu, bien évidemment, que ce qui concerne mon ancêtre direct l'avocat Charles Tournier:

L'Avocat Tournier


Nous ne pouvons passer sous silence, dans cette étude, le nom d'un enfant de SALIGNAC qui, si sa renommée n'a pas dépassé les limites régionales, n'en a pas moins occupé une place des plus importantes dans le barreau et la vie politique du SARLADAIS :

Charles Tournier
(1826-1898)

Pierre-Charles TOURNIER naquit à SALIGNAC, le 5 novembre 1826. Il était fils de Guillaume TOURNIER, de TERREBLANQUE, premier suppléant du juge de paix du canton et maire de SALIGNAC de 1835 à 1843 et de Fantille-Célie DELPY, originaire du village de POUCH d'ARCHIGNAC, petit-fils de Pierre TOURNIER, docteur médecin à SALIGNAC (1746-1833) et de dame SUQUET-MANDÉGOU, de CANAREILLE.

Nous extrayons cette étude biographique de l'Histoire de SARLAT, de M. ESCANDE :
" Après avoir terminé ses études de droit, il s'établit à SARLAT, comme avoué, d'abord, puis comme avocat, à partir de 1860.
" Il honora jusqu'à sa mort le barreau sarladais par son talent. Doué d'une intelligence supérieure. d'une mémoire prompte et fidèle, d'une extraordinaire puissance de réflexion et d'une éloquence simple, claire et précise, il accrut la valeur de ses dons naturels par un travail prodigieux : il se plaça vite au rang des meilleurs avocats de la région et il aurait pu devenir célèbre, si, moins modeste, il avait consenti à aller s'établir dans un grand centre comme on le lui conseillait. Dépourvu de toute ambition, il préféra rester à SARLAT où il vécut entouré toujours d'une sorte d'admiration respectueuse. "

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" La réputation de TOURNIER se répandit au loin; son habileté était légendaire dans son pays où on racontait à son sujet beaucoup d'anecdotes ; l'une d'elles ne manque pas de saveur : Un jour, dit-on, le sieur G… boucher à SARLAT, qui passait pour être très rusé, se présenta au Cabinet de TOURNIER sous le prétexte de lui demander une consultation.
" - Monsieur, lui dit-il, si un chien venait à manger un gigot dans ma boucherie, aurais-je le droit de m'en faire rembourser le prix par le maître de l'animal ?
" - Mais oui, répondit TOURNIER; il faudrait vous faire dédommager immédiatement par le propriétaire du chien.
" - Eh bien! reprit le boucher, avec un sourire ironique à peine réprimé, c'est de votre chien qu'il s'agit: il vient de manger un gigot que j'avais suspendu à la porte de ma boutique .
" - Ah ! très bien, dit TOURNIER, et combien valait ce gigot ?
" - Cinq francs, répondit le boucher .
" - Tenez, voilà cinq francs, dit TOURNIER, sans s'émouvoir, en mettant un écu dans la main du boucher.
" - Celui-ci se retira, avec force salutations et remerciements, riant sous cape du succès de sa finesse: il arrivait au bas de l'escalier et se disposait à sortir lorsque TOURNIER le rappela.
" - Mon ami, lui dit-il, vous oubliez quelque chose.
" - Et quoi ? reprit l'autre, étonné.
" - Vous oubliez de payer ma consultation.
" - Ah ! combien vous dois-je ? dit le boucher tout interloqué.
" - Dix francs, mon ami, répondit TOURNIER.
" Le malheureux boucher, pris dans sort propre piège, n'osant pas protester, donna à TOURNIER les dix francs demandés et partit et baissant la tête.
" L'histoire courut bientôt de bouche en bouche dans toute la ville ".

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" Tout en lui, continue M. ESCANDE, dans l'article nécrologique qu'il consacra à TOURNIER au lendemain de sa mort, indiquait un homme supérieur ; son attitude, sa physionomie comme sa parole. Sa tête portait bien empreint le sceau de l'intellectuel ; c'était une tête de savant, de penseur.
" Une bouche spirituelle, de petits yeux pleins de finesse surmontés d'un front vaste vivement frappé aux tempes, donnaient à sa physionomie un caractère d'une rare distinction.
" Il me semble le voir encore, traversant nos rues, toujours coiffé d'un chapeau haut de forme, marchant lentement, la tête relevée dans une attitude réfléchie… Ou se rendant de sa maison au Palais, un gros "Dalloz" sous le bras, entouré de plaideurs qu'il écoutait sans rien dire en roulant une cigarette entre ses doigts.
" Il me semble le voir, au tribunal maintenant, son lorgnon placé sur la pointe du nez en lisant un article du Code… ou, durant une suspension d'audience, causant familièrement avec ses collègues dans une conversation pleine de gaieté et semée de traits d'esprit.
" M. TOURNIER n'était pas affligé de la faconde si commune chez les avocats : il écoutait beaucoup et parlait peu… D'une grande simplicité, exempt de toute sorte de pose, il avait la poignée de mains facile et mettait tout de suite à l'aise ceux qui l'abordaient.
" C'était un véritable plaisir, même pour les personnes étrangères aux choses judiciaires, que d'entendre plaider M. TOURNIER. Il savait rendre intéressant l'exposé des affaires les plus ingrates ; chacun suivait et comprenait son raisonnement sans peine, tant il était clair et méthodique. Tous les arguments favorables à sa thèse étaient réunis et pesés : il les exposait dans une forme d'une précision et d'une netteté remarquables.
" Mais M. TOURNIER n'était pas seulement un avocat de grande valeur, il était encore, il était surtout un avocat consciencieux : ceux qui avaient placé leurs intérêts entre ses mains pouvaient être sûrs qu'il mettrait à les sauvegarder toutes les ressources de son talent et de son travail : il ne traitait jamais une affaire qu'après l'avoir étudiée à fond.
" Dédaigneux des moyens faciles de la rhétorique. il ne portait point de passion dans ses plaidoyers… il ne cherchait à faire partager ses convictions que par la seule puissance de la logique, par la force de la raison toute pure.
" Il était un avocat "d'affaires" de premier ordre, qui a eu dans sa longue carrière les plus beaux succès.
" M. TOURNIER était un de ces hommes... qui, par leur supériorité reconnue de tous peuvent exercer, s'ils le veulent, la plus grande influence sur notre population.
" Mais M. TOURNIER n'était pas ambitieux : ses fils faisaient toute sa joie et son orgueil : il se consacra à leur éducation et en fit des hommes dignes de lui. Il ne s'occupa presque jamais de politique, malheureusement, car il aurait pu rendre à notre pays les plus grands services et s'élever aux plus hautes destinées ".

Il eut, en effet, sept enfants, dont six fils qui embrassèrent presque tous la carrière des armes et attinrent aux grades les plus élevés de la hiérarchie.
Il mourut le 9 septembre 1898 au Château des MILANDES de CASTELNAUD, près SAINT-CYPRIEN, à 72 ans.

J'ajoute que ce château des Milandes appartenait alors au fils de Charles Tournier, le général Gaston Tournier.

Par la suite, ce domaine ayant été vendu plusieurs fois, il fut un temps la propriété de Joséphine Baker.

Lors d'une promenade en gabarre, j'ai entendu le guide local expliquer que le nom "Milandes" aurait été attribué à ce lieu durant cette période du fait que Joséphine Baker ne pouvait prononcer correctement son véritable nom qui était auparavant "Mirandes". Je transmets cette précision sans certitude aucune d'autant que Madame Angélique de Labarre, propriétaire actuelle du château, la dément formellement :

" le château des Milandes s'est toujours appelé Milandes depuis la construction du château au 15e s car il est gravé en latin sur l'entablement de la fenêtre de l'entrée du château:
"Vous êtes ici aux Milandes en 1489" L'histoire du "r" est une pure invention; en réalité, c'est le lieu dit qui s'appelait Mirandes mais cela dès la fin du XIXe s; bien avant Joséphine!
"

Je ne saurais trop encourager les visiteurs de mon site à se rendre sur le sien, qui est superbe, comme le château.

Site Internet des actuels propriétaires du château des Milandes